André Ostertag : l'artiste vigneron du Bas-Rhin (2024)

André Ostertag a tout juste 21 ans lorsque son père, Adolphe, ardent défenseur des vins et des terroirs du Bas-Rhin, lui laisse les clés de la cave et du Domaine qu’il a façonné depuis les années 1960, sur la commune d’Epfig. Parti de 20 ares à peine en 1966, Adolphe, passionné par le travail à la vigne, n’a eu de cesse d’acquérir des parcelles sur de fabuleux terroirs que la plupart de ses collègues avaient pourtant choisi de délaisser, à cette époque où l’on privilégiait la mécanisation et les gros rendements dans les plaines fertiles plutôt que ce travail de fourmi, totalement manuel, sur les coteaux les plus pentus, où se situaient pourtant les terroirs les plus intéressants. Cela, Adolphe l’avait instinctivement compris.

A peine arrivé, Andrés'est distingué par l’originalité de son approche, guidée par une infatigable quête de sens et de beauté. En véritable esthète, il élaborait ses vins comme le sculpteur travaille la pierre, n’hésitant pas à se laisser guider par son intuition lorsqu’il décide de remettre à l’honneur des terroirs oubliés ou méconnus comme Fronholz et, même, de faire des choix parfois iconoclastes, comme l’élevage en fûts, « à la bourguignonne », de ses pinots blancs et gris, ou encore l’envie de redonner ses lettres de noblesse au sylvaner, si souvent (et injustement !) relégué, ailleurs, au rang de « vin de comptoir »…

Pour lui, plus qu’une plante, la vigne est une interprète, l’interprète des interactions entre ciel et terre. Fervent adepte de la bio-dynamie depuis la fin des années 1990, André Ostertaga cherché à travers ses vins à restituer les infinies nuances que la plante trouve à la fois dans les entrailles des sous-sols, mais aussi dans l'air et l’énergie céleste.

Au fil de ses cuvées, André Ostertagn'a eu de cesse de composer de véritables tableaux, qui célèbrent la rencontre entre un fruit radieux et un terroir. Et les terroirs, parfaitement mis en valeur par les Ostertag, sont infiniment divers : sur une quinzaine d’hectares au total, le domaine compte aujourd’hui pas moins de 88 « ilots » de vignes, dispersés sur les communes d’Epfig (principalement), mais aussi Nothalten, Itterswiller, Ribeauvillé et Albé. Chacun possédant sa propre identité, comme autant de petit* jardins.

Qu’il s’agisse de riesling, de pinot gris, de pinot blanc ou de sylvaner, André, et maintenant son fils Arthur, privilégient la recherche de vins essentiellement secs, droits et profonds, mais surtout, harmonieux, sensibles et poétiques, des vins qui ont une histoire à nous raconter. Les blancs du Domaine Ostertag, aujourd’hui recherchés partout dans le monde, sont en effet bien singuliers : ils s’adressent autant au corps qu’à l’esprit, leur complexité vous fait réfléchir tout en procurant un plaisir immédiat, ils sont limpides et exaltants. Oscillant sans cesse entre le yin et le yang, ils portent en eux force et énergie et restent pourtant infiniment subtils. Ici, terroir et émotion ne font qu’un, pour notre plus grand bonheur.

Arthur Ostertag, jeune trentenaire, nous avait bluffés avec le millésime 2018, son premier millésime « seul aux commandes » après que son père fût contraint de prendre du champ, pour des raisons de santé. Dès lors, Arthur s’est progressivement installé à la tête de ce joyau d’Epfig, affirmant avec passion et une vraie sensibilité sa propre signature. Bien sûr, ce ne fut pas toujours simple de succéder à un vigneron aussi emblématique qu’André Ostertag, d’autant que les aléas climatiques n’ont pas ménagé Arthur et ses équipes. Gel, canicules, sécheresse, Arthur a rapidement dû montrer sa capacité d’adaptation aux caprices de la nature. Il l’a fait avec un engagement et une résilience qui forcent le respect. Sur cette magnifique collection, qui vous fera voyager au cœur de deux millésimes au profil bien distinct, il nous propose une lecture inspirée, à la fois élégante, très naturelle et pleine de vie, des terroirs d’Epfig.

Après un passage très formateur au sein d’une adresse mythique de la Bourgogne, au Domaine des Comtes Lafon à Meursault, Arthur n’est pourtant retourné au domaine familial qu’en 2015. Trois ans seulement pour s’inscrire dans les pas d’un véritable géant de la vigne et des vins d’Alsace : ce fut le défi d’Arthur, un défi brillamment relevé ! Trois ans pendant lesquels Arthur a aussi continué à faire évoluer les pratiques, dans un esprit résolument guidé par la volonté de s’adapter aux exigences de la nature, une nature qu’il pressent de plus en plus capricieuse voire extrême dans les prochaines années. Car le dérèglement climatique n’épargne pas le vignoble alsacien. « Ce n’est pas à la vigne et au climat de s’adapter à nous, c’est à nous de les apprivoiser ». C’est ainsi qu’Arthur veille, par exemple, à privilégier de plus en plus le travail des sols au cheval, limitant au maximum l’usage du tracteur : en préservant la structure grumeleuse du sol et en évitant son tassem*nt, on permet une meilleure pénétration de l’eau tout en évitant le ravinement, autant d’éléments essentiels en ces temps de sécheresses de plus en plus fréquentes et d’épisodes de pluies parfois diluviennes…

A la cave, s’il reste fidèle aux fondamentaux de la maison, privilégiant des élevages longs, majoritairement en foudres et en cuves (mais aussi en fûts pour les pinots), il expérimente et fait évoluer les pratiques, par petites touches. Il s’essaie ainsi à la vinification de vin orange, de macération (pour le Gewurztraminer en particulier). Il a également fait évoluer la filtration, en ne conservant qu’une filtration sur terre, soucieux de préserver au maximum la fraîcheur des jus, surtout sur les millésimes solaires comme 2022.

Nous sommes heureux de vous faire voyager aujourd’hui au cœur de deux millésimes au profil bien distinct et parfaitement négociés par Arthur et sa nouvelle équipe, en pleine montée en puissance. Il y a d’abord 2021, avec son identité atypique, entre rendements faibles et maturités tardives, renouant avec un style rappelant les grands millésimes des années 1980 ou 1990, entre fraîcheur, concentration et vibration saline. Si le gel du mois d’avril a fait ici un peu moins de dégâts que dans des vignobles plus précoces, c’est près d’un tiers de récolte en moyenne qui s’est tout de même «envolé» pendant la nuit du 6 au 7 avril. Il ne faut pas oublier qu’ici aussi la fin du mois de mars avait été marquée par des températures particulièrement douces (voire chaudes) ayant accélérer le débourrement sur certaines parcelles. C’est ensuite le temps frais, et surtout très arrosé, qui a prévalu pratiquement jusqu’à la fin du mois de juillet, rendant très difficiles les travaux en vert et accroissant considérablement la pression du mildiou. Heureusem*nt, début août, le temps a bien changé, enfin ensoleillé et chaud. Une aubaine pour des grappes, peu nombreuses, qui ont pu mûrir de façon hom*ogène et pas trop rapidement, préservant ainsi de superbes acidités dans les baies. Au final, c’est à peu près une demi-récolte qui est entrée dans les caves du Domaine tout au long de la deuxième moitié du mois de septembre. Avec des jus à la fois ciselés, frais et concentrés, promesses de grands vins de garde, fuselés, tendus et élégants.

2022 se présentait sous un jour bien différent, rappelant plutôt 2020, même si l’année fut un peu moins précoce. Un temps sec et chaud a dominé la plus grande partie de la saison de croissance de la vigne. Point de pression des maladies cryptogamiques mais plutôt des risques de stress hydrique ou de blocage de maturité sur les terroirs les plus arides. Le manque d’eau a d’ailleurs ralenti les processus de maturation, et le millésime s’est révélé sensiblement moins précoce qu’on le présageait. Quelques pluies bienfaitrices à la toute fin du mois d’août ont permis de parfaire les maturités des rieslings en particulier. Si bien que les vendanges se sont déroulées entre le 5 et le 15 septembre, dans des conditions idéales, avec un temps clément et pas trop chaud. L’état sanitaire des raisins était impeccable, et les jus expressifs et équilibrés. Après des fermentations particulièrement longues cette année, les vins offrent un profil à la fois charmeur et élégant, toujours très harmonieux. Mention spéciale à un rayonnant Pinot Gris du Muenchberg, le rare et fameux A 360 P.

Arthur Ostertag nous gratifie d’une collection habitée par l’esprit des lieux et l’identité de chaque millésime. Comme l’écrit joliment le célèbre critique du Wine Advocate, Stephan Reinhardt, « Arthur, comme un artiste, a mis son âme dans ses vins, des vins formidables et émouvants ». Un nouveau chapitre s’est ouvert chez Ostertag : il se révèle tout aussi passionnant que les précédents. Bravo !

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